Éruption du Tambora en 1815

Éruption du Tambora en 1815
Image illustrative de l’article Éruption du Tambora en 1815
Retombées de cendres selon leur épaisseur.
Localisation
Pays Drapeau de l'Indonésie Indonésie
Volcan Tambora
Dates -
Caractéristiques
Type d'éruption explosive
Phénomènes Panache volcanique, nuées ardentes
Volume émis ~30 à 60 km3 DRE
Échelle VEI 7
Conséquences
Nombre de morts Environ 92 000
Nombre de blessés 18 000
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Éruption du Tambora en 1815
Éruption du Tambora en 1815
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Éruption du Tambora en 1815
Éruption du Tambora en 1815
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Éruption du Tambora en 1815
Éruption du Tambora en 1815
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L'éruption du Tambora en 1815 est une éruption volcanique qui s'est produite sur l'île de Sumbawa, en Indonésie, en avril 1815. Elle est considérée comme la deuxième éruption la plus violente des temps historiques, après celle du Samalas en 1257 (île de Lombok, Indonésie)[1] mais devant l'éruption minoenne de 1610 av. J.-C. (île de Santorin, Grèce) et celle du Taupo en 230 (Nouvelle-Zélande).

À l'origine de l'année sans été (1816), l'éruption elle-même causa directement la mort de 10 000 personnes alors que ses conséquences, notamment sur le climat, entrainèrent la mort d'environ 92 000 personnes.

Contexte

Le Tambora est un volcan actif situé dans l'arc volcanique des Petites îles de la Sonde, aujourd'hui en Indonésie et à l'époque faisant partie des Indes néerlandaises. Le cône volcanique du Tambora, mesurant 4 300 m d'altitude avant l'éruption, forme la péninsule de Sanggar qui constitue le nord de l'île de Sumbawa[2].

À partir de 1812, le volcan se réveille et montre régulièrement quelques signes d'activités marqués par des éruptions mineures et la projection de nuages de cendres dans l'atmosphère[3].

Chronologie de l'éruption

Le eut lieu une première éruption donnant une colonne éruptive de 33 km de hauteur et qui dura 33 h. Les gens ne quittèrent pas leur maison. Durant les jours qui suivirent, le volcan demeura dans un état de basse activité. Le , une légère chute de cendres fit comprendre aux habitants de Batavia (aujourd'hui Jakarta, à 1 260 km du volcan), que les détonations entendues la veille qui avaient motivé l'envoi de patrouilles militaires par crainte d'une attaque, étaient d'origine volcanique.

Le paroxysme de l'éruption eut lieu cinq jours plus tard, le . Vers 10 heures du matin, une colonne éruptive de 44 km de haut monta dans le ciel, mais l'éruption dura seulement trois heures. Vers 19 heures, l'activité du volcan augmenta, suivie une heure plus tard d'une pluie de ponce sur le village de Sanggar[4], 30 km à l'est du cratère. Le volcan à ce moment était alors surmonté d'après les témoins de trois « colonnes de flammes », en fait trois colonnes éruptives. La chute de pierres ponces dura jusqu'à 22 heures, lorsque la péninsule de Sanggar fut ravagée par une onde de choc. Vers ce moment, toujours d'après les témoins, les trois colonnes fusionnèrent et la montagne ne fut plus qu'une masse de « feu liquide ». Cela correspond à l'élargissement du conduit d'émission dû au débit éruptif important et aux premiers stades de la formation de la caldeira.

En conséquence, la colonne éruptive s'engorgea en matières et finit par s'effondrer, créant plusieurs coulées pyroclastiques de gaz surchauffés, de cendres et de pierres ponces qui donnèrent lieu à des dépôts d'ignimbrite. On en a compté sept qui se sont étalées radialement autour du volcan et ont pénétré dans la mer jusqu'à 40 km de distance du sommet du volcan. Ces coulées pyroclastiques lancées dans la mer y ont généré des explosions secondaires, augmentant le volume de cendres dispersées dans l'atmosphère jusqu'à représenter la principale source de cendres volcaniques de l'éruption.

Le , alors que l'éruption continuait, l'ombrelle éruptive s'était étendue au point qu'à 900 km de là, à Java, alors que retentissaient au loin les explosions, les premières lueurs du jour n'apparurent qu'à 10 heures et que ce n'est qu'à 11 heures que les oiseaux se mirent à chanter. Le capitaine du Bénarès, navire de la Compagnie des Indes orientales qui naviguait au nord du détroit de Macassar, soit à plus de 1 000 km au nord du volcan, décrit une pluie de cendres et une obscurité totale à midi, le jour ne revenant que le lendemain[5].

L'éruption cessa le , et le seulement, les chutes de cendres cessèrent après s'être étendues jusqu'à 1 300 km de distance, laissant un paysage dévasté dans toute la région.

Cette éruption a été une des plus violentes éruptions volcaniques des temps historiques (avec celle récemment identifiée du Samalas, celle du volcan de l'île de Santorin, situé en Grèce, en 1610 avant Jésus-Christ, et celle du volcan Taupo, situé en Nouvelle-Zélande, en 230), et surtout la plus meurtrière[2]. Elle a été bien plus forte que celle du Vésuve en 79. Des tsunamis se sont abattus sur les rivages des îles alentour à plusieurs centaines de kilomètres de distance[2].

À la suite de l'expulsion de tant de magma et téphra, le reste de la montagne s'effondra sur lui-même[6], et forma une grande caldeira de 6 km de diamètre et de 1 km de profondeur, diminuant ainsi l'altitude du volcan de 1 400 mètres.

Conséquences

Conséquences climatiques

Article détaillé : Année sans été.
Graphique montrant les quantités de sulfates, année par année, de l'an 400 à 2000.
Sulfates d'origine volcanique dans l'atmosphère. Le pic du Tambora en 1816 est précédé par une éruption inconnue en 1808, certainement dans le Pacifique sud.
Carte montrant les moyennes de température dans divers pays d'Europe.
Anomalie des moyennes de température pour l'été 1816 en Europe.

L'éruption a d'importantes conséquences climatiques sur le plan mondial entraînant ce qui est appelé un hiver volcanique. L'éruption du Tambora a une puissance surpassant de dix mille fois celles des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki réunies[7]. L'éruption de 1815 a été considérée pendant longtemps par les volcanologues comme étant l'éruption la plus violente des temps historiques, devant celle du volcan de l'ancienne île de Santorin, en Grèce, en 1610 avant Jésus-Christ, et celle du volcan Taupo, en Nouvelle-Zélande, en 230[8]. Des études scientifiques depuis les années 2010 identifient une autre éruption historique, celle du Samalas en 1257, autre volcan indonésien, et estiment qu'elle est encore plus forte[9].

La meilleure estimation à ce jour du volume de téphra émis lors de l'éruption est de 41 ± 4 km3 DRE[10] ; seule l'éruption du Samalas en 1257 la surpassant. L'estimation de la quantité de SO2 émise est de 147 Mt[11], soit des quantités bien plus importantes que pour n'importe quelle autre éruption de temps historiques, y compris le Samalas.

Des simulations de l'impact climatique des éruptions volcaniques survenues depuis 1 500 ans montrent que celles du Tambora et du Samalas ont eu beaucoup plus d'influence que toutes les autres, y compris des éruptions de force similaire. Au-delà du volume de sulfates éjectés dans l'atmosphère un autre paramètre primordial quant à l'influence sur le climat est la latitude à laquelle se situe le volcan. Le Tambora et le Samalas étant très proches de l'équateur, leur influence sur le climat est marquée dans les deux hémisphères. Par ailleurs et de façon générale, à cause de l'organisation de la circulation atmosphérique, plus une éruption a lieu près d'un des pôles, et moins son influence sur le climat sera grande[12].

Cette formidable quantité d'aérosols projetés dans l'atmosphère et la stratosphère entraîne un hiver volcanique pendant 2 à 3 ans, privant la surface de la Terre de la lumière du soleil. Ceci entraîne un refroidissement climatique général et plus particulièrement des étés froids et pluvieux dans l'hémisphère nord. L'année 1816 en particulier reste connue comme l'« année sans été »[13],[5]. Tous les records de froid sont battus en 1815 et 1816. En 1816, les moyennes de températures dans l'hémisphère nord descendent de 0,5 °C à °C[2] avec régionalement des baisses plus marquées.

En Europe, la France est le pays le plus touché avec une baisse de température de °C sur l'été 1816[2]. En Hongrie et en Italie des chutes de neige rouge, colorée par les cendres volcaniques, sont observées en plein été[14]. En Amérique du Nord, il neige en juin dans le Maine. En Chine, c'est à Pékin qu'il neige en plein été[5].

Au delà des baisses de température, les autres conséquences sont des pluies diluviennes sur de nombreux pays notamment en Europe de l'Ouest et en Europe centrale où sont recensées de nombreuses inondations, ainsi que le manque d'ensoleillement empêchant la photosynthèse des plantes, ce qui affecte grandement le système agricole[5].

Conséquences socio-économiques

Asie

L'archipel indonésien est le plus touché par les conséquences immédiates. Tout d'abord des tsunamis ravagent les côtes des îles bordant la mer de Java et la mer de Florès, jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres de distance. Sur les îles les plus proches de Sumbawa (Lombok, Bali, la partie orientale de Java) après l'éruption, une obscurité presque complète est engendrée pendants plusieurs jours par les aérosols en suspension dans l'atmosphère ; l'eau est contaminée par les cendres et devient impropre à la consommation[5].

Carte montrant des cercles concentriques autour du Tambora.
Épaisseurs des retombées de cendres en Indonésie.

En Chine, la province du Yunnan, au sud, est la première touchée, dès la fin 1815. Les récoltes de riz sont très mauvaises et une famine se déclare. Afin de gagner de l'argent pour acheter la nourriture qu'ils ne peuvent produire, de nombreux paysans se convertissent à la culture du pavot. C'est le début d'une industrie de l'opium dans le sud de la Chine, grande consommatrice de ce produit, qui connaîtra son apogée lors des guerres de l'opium[15]. Plus au nord les récoltes sont également catastrophiques et de la neige est vu en juin dans le Heibei[5].

Dans le golfe du Bengale, les perturbations climatiques favorisent la progression d'une épidémie de choléra, maladie endémique de la région. Celle-ci devient pandémie et se propage à la Chine, Japon, Perse, jusqu'en 1823. Une deuxième vague atteint le bassin méditerranéen en 1831, puis l'Europe l'année suivante. Les morts se comptent en centaines de milliers. D'autres pandémies suivent en 1846, 1849, 1853[15].

Europe

L'éruption perturbe grandement les récoltes de céréales : le manque d'ensoleillement empêche les grains de mûrir et la forte pluviométrie les fait pourrir sur pied. Des inondations se produisent. Les pénuries et la hausse des prix entraînent les grandes crises alimentaires de 1816-1817 en Europe avec leurs émeutes de la faim en France, Angleterre, Irlande, Allemagne. Des témoins rapportent que les pommes de terres, devenues une nourriture de base dans les campagnes du nord de l'Europe, pourrissent à même la terre[15]. En France, des importations de blé de Russie, où la récolte est plutôt bonne, permettent de compenser en partie la pénurie[16]. Au Royaume-Uni, l'activité de la marine marchande permet également d'importer des céréales depuis les colonies[15].

Peinture montrant une fête sur une grande place avec des chariots remplis de céréales.
Arrivée à Ravensbourg des premiers chariots de récolte après la famine de 1816-1817. Gottlob Johann Edinger, août 1817.

Durant deux ans les vendanges sont également catastrophiques ce qui privent de nombreux petits paysans de revenus complémentaires[15]. En 1816, en France, les vendanges démarrent très tardivement, le 25 octobre[16].

Des épidémies de typhus, liées à l'augmentation de la misère et donc des mauvaises conditions d'hygiène et de la malnutrition, se déclarent un peu partout en Europe[15].

En Allemagne la misère est telle que l'année 1816 est surnommée l'« année du mendiant »[15]. Les Alpes suisses sont touchées par le froid, à tel point que pendant l'été 1816, il neige presque toutes les semaines en fond de vallée, phénomène habituellement observable seulement en hiver. La misère qui en en découle conduit à une importante émigration, par exemple vers le Brésil avec un groupe de 2 000 colons suisses du canton de Fribourg qui est à l'origine de la création de la ville de Nova Friburgo en 1819[17].

Certains chercheurs pensent que Napoléon aurait perdu en partie la bataille de Waterloo à cause d'une météo très pluvieuse induite par l'éruption, bien que la bataille ait lieu seulement 2 mois après l'éruption[18]. Victor Hugo écrit dans Les Misérables : « S’il n’avait pas plu dans la nuit du 17 au 18 juin 1815, l’avenir de l’Europe était changé. Un nuage traversant le ciel à contresens de la saison a suffi pour l’écroulement d’un monde »[19].

Amérique du Nord

Aux États-Unis, la côte est se voit particulièrement affectée avec des températures glaciales : en juin des chutes de neige se produisent dans le Maine, certains lacs gèlent en Pennsylvanie, les récoltes sont ruinées dans toute la Nouvelle-Angleterre[15]. Dans certains États, la perte est de 90%[20]. La région voit également se succéder trois hivers particulièrement rigoureux, de 1815 à 1817. La mer gèle complétement dans la plupart des ports[20]. Au Canada, la ville de Québec se retrouve avec 20 cm de neige en plein mois de juin. Le pain et le lait viennent à manquer. Dans les campagnes la population fait bouillir du foin pour se nourrir[21].

Les bouleversements climatiques de l'année 1816 affectent également les ressources halieutiques saisonnières, notamment les cycles de migration et reproduction des poissons. Les gaspareaux, traditionnellement très pêchés dans la région dès le début d'année, sont décimés. La seconde espèce cible, le maquereau, voit son cycle de reproduction moins affecté et arrive plus tard dans l'année. Les récoltes de blé étant très mauvaises cela accentue la demande sur la pêche, ce qui incite les bateaux à aller pêcher de plus en plus au large pour augmenter leurs prises dont le volume double en deux ans. L'année 1816 devient ainsi connue aux États-Unis comme étant l'« année du maquereau »[20].

Cet évènement a pu influer sur la dynamique de peuplement des États-Unis. Dans les années qui suivirent des dizaines de milliers de personnes quittent la Nouvelle-Angleterre pour le Midwest, dans l'espoir d'un climat meilleur, de propriétés plus grandes et de sols plus fertiles[22]. Le Vermont perd ainsi plus de 10 000 habitants sur les deux années 1816 et 1817[23]. De l'autre côté, l'afflux de migrants permet à l'Indiana de se constituer en État fédéré en décembre 1816, l'Illinois faisant de même en 1818[22].

Afrique

Il y a peu de données historiques pour le continent à cette époque. La seule certitude est que l'Afrique australe est touchée par une sécheresse inhabituelle dans les années suivant l'éruption[24].

Influence sur les arts

Peinture

Les cendres et les aérosols sulfatés envoyés dans la stratosphère provoquent un hiver volcanique et font plusieurs fois le tour de la Terre, causant, lors des étés 1815 et 1816, des ciels jaunâtres et des couchers de soleil rougeoyants qui vont influencer les artistes de l'époque. Tout d'abord dans le domaine de la peinture, tel est le cas de William Turner avec notamment ses tableaux antiques (Didon construisant Carthage ou l'Ascension de l'Empire carthaginois et le Déclin de l'empire carthaginois) dont la composition est centrée sur des couchers de soleil, de Caspar David Friedrich dont les atmosphères romantiques s'inspirent des cieux tourmentés du nord de l'Allemagne, ou encore de John Crome qui peint des moulins à vent devant des ciels lugubres et jaunâtres[25],[5].

  • Peintures influencées par les années sans été
  • Peinture représentant une scène antique. Le centre est occupé par un coucher de soleil sur un canal. Les teintes jaunes dominent.
    William Turner, The Decline of the Carthaginian Empire , 1817.
  • William Turner, Chichester Canal, 1829.
    William Turner, Chichester Canal, 1829.
  • Peinture aux teintes sombres représentant les silhouettes de deux hommes sur un bord de mer rocheux, surmontés d'un ciel nuageux et orangé.
    Caspar David Friedrich, Two Men by the Sea, 1817.
  • Peinture représentant les rives d'un fleuve la nuit: les silhouettes de voiles de bateau et d'un moulin à vent se découpent sur un ciel orange.
    John Crome, Moonrise on the Yare, 1816.

Littérature

L'éruption du Tambora influence fortement la littérature britannique. En effet, Lord Byron, Percy Shelley et Mary Shelley passent l'été 1816 en Suisse. Les pluies continuelles les obligent à rester enfermés à longueur de journée dans leur villa au bord du lac Léman. Ils se livrent ainsi à des concours de poésie ou d'écriture de nouvelles. Les deux premiers produiront ainsi certaines de leurs œuvres les plus connues, notamment Darkness (« Ténèbres ») [5]. Mary Shelley sera elle inspirée par l'atmosphère lugubre de la saison et commencera la rédaction de son chef d'œuvre Frankenstein[26].

Influence sur la science

Ces bouleversements restent incompris des contemporains, par manque d'informations et de connaissances scientifiques, ce qui ajoute la peur et la terreur au désarroi[5]. Les contemporains de l'éruption, y compris les érudits et scientifiques, ne font pas le lien direct entre les mauvaises conditions climatiques et l'éruption du volcan qui est connue mais mal documentée. Il y a des récits de témoins directs de la catastrophe et de ces conséquences dans les jours qui suivent, mais ceux-ci restent cantonnés dans les cercles administratifs[5]. Thomas Jefferson observe le caractère unique du climat cette année-là, mais ne fait pas le lien avec le volcan indonésien[27]. Le météorologue Luke Howard note la présence de « brouillards secs » persistants sans pouvoir les expliquer. Parfois, à midi, il fait aussi sombre qu'en pleine nuit. Certains prédisent la fin du monde ou le Jugement dernier. À Bologne, en Italie, ville de la plus ancienne université du monde, un astronome prédit l'extinction prochaine du soleil et la disparition de toute vie sur Terre[5]. Des processions religieuses sont organisées dans plusieurs villes italiennes pour demander la clémence divine[5]. Dans le folklore indonésien de l'époque le cataclysme est expliqué par un châtiment divin. Un poème indonésien évoque un dirigeant local qui aurait encouru la colère d'Allah en donnant à manger de la viande de chien à un hajji et en le tuant[28].

Les conséquences de l'éruption sont également un des facteurs qui peuvent catalyser l'innovation technologique et provoquer certains basculements économiques. En Nouvelle-Angleterre, l'année sans été initie ainsi des changements dans les habitudes et stratégies de pêche (changement d'espèces cibles, développement de la pêche au large) et voit apparaître l'usage du leurre à maquereau, inventé au Cap Ann dans le Massachusetts[20]. En Allemagne, comme dans d'autres pays, les mauvaises récoltes empêchent de nourrir les chevaux correctement. Karl Drais cherche de nouveaux moyens de locomotion et invente la draisienne puis le vélocipède[29]. Traumatisé par la famine de 1816, le chimiste Justus von Liebig s'intéresse lui aux rendements agricoles et développe les premières formes d'engrais minéraux[30].

Bilan humain

L'activité volcanique tua directement 11 000 personnes. À ces victimes s'ajoutèrent celles des tsunamis, de la famine et des épidémies qui sévirent sur Sumbawa et Lombok et qui tuèrent 49 000 personnes. L'estimation du nombre de victimes dans la région est de l'ordre de 100 000 personnes[6].

L'éruption a d'importantes conséquences climatiques sur le plan mondial. Elle fut à l'origine de l'« année sans été » de 1816, qui entraîna des famines en Chine, Europe et Amérique du Nord qui font entre 100 000[31] et 200 000 victimes[5] dans le monde.

Cette éruption est cotée à 7 sur l'échelle d'explosivité volcanique ; le maximum est de 8 mais n'a jamais été observé.

Caldeira sommitale du mont Tambora.


Notes et références

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Voir aussi

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  • Éruption du Tambora en 1815, sur Wikimedia Commons

Bibliographie

Imprimés

  • Sir Thomas Stamford Raffles et John Crawfurd, Description géographique, historique et commerciale de Java et des autres îles de l'archipel indien, Bruxelles, H. Tarlier et Jobard, , p. 15-16
  • (en) Gillen D’Arcy Wood (en), Tambora — The Eruption that changed the world, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2014.
    • L'Année sans été. Tambora, 1816, Le volcan qui a changé le cours de l'histoire, de Gillen D'Arcy Wood, trad. Philippe Pignarre, Paris, La Découverte, 2016.
  • Alain Corbin, « Les volcans et l'énigme des “brouillards secs” », dans Terra incognita : une histoire de l'ignorance, (ISBN 978-2-226-44931-3).

Articles

  • « Tambora, la colère d'un géant » Université de Genève, campus n° 123, mars 2016

Films

  • Un été sans soleil, produit par Tetra Media en partenariat avec Cicada Films, diffusé sur Arte le
  • Tambora, l'éruption qui a changé le monde, réalisé par Florian Breier, 2017

Articles connexes

Liens externes

  • (en) Jacob Smith, « Climactic effects of the 1815 eruption of Tambora »
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