Espace localement compact

En topologie, un espace localement compact est un espace séparé qui admet des voisinages compacts pour tous ses points. Un tel espace n'est pas nécessairement compact lui-même mais on peut y généraliser (au moins partiellement) beaucoup de résultats sur les espaces compacts. Ce sont aussi les espaces qu'on peut « rendre » compacts avec un point grâce à la compactification d'Alexandrov.

Motivations

La compacité est une source très fertile de résultats en topologie mais elle reste une propriété très contraignante. En particulier, le fait qu'un espace métrique doit être borné pour être compact fait que les résultats concernant les espaces compacts ne sont presque jamais applicables aux espaces métriques rencontrés, qui sont très rarement bornés.

Cependant, on peut appliquer ces résultats à certains espaces métriques non bornés (notamment aux espaces vectoriels normés) à condition que l'objet étudié respecte certaines propriétés supplémentaires, qui permettent d'y appliquer les outils développés pour les espaces compacts.

Par exemple, toute suite de points d'un compact admet une valeur d'adhérence ; le cas élémentaire du théorème de Bolzano-Weierstrass dit qu'une suite bornée de points de ℝ (ou plus généralement de ℝn) admet une valeur d'adhérence. Or ni ℝ ni ℝn ne sont compacts, mais en ajoutant « bornée » on peut conclure quelque chose, car ℝ et ℝn sont localement compacts. De même, dans un espace métrique localement compact, toute suite bornée possèdera une sous-suite convergente.

Définitions

Un espace topologique X est dit localement compact s’il est séparé (cette condition de séparation est parfois omise)[réf. nécessaire] et si tout point x élément de X admet un voisinage compact, autrement dit si x appartient à un ouvert relativement compact (c'est-à-dire d'adhérence compacte, ou encore : inclus dans un compact).

Cette définition implique[1] la caractérisation suivante (parfois prise comme définition) : un espace topologique séparé X est localement compact si et seulement si tout point de X admet une base de voisinages compacts.

Preuves de l'implication

Soit x un point de X, que l’on suppose vérifier la première définition : il possède alors un voisinage compact K.

Première preuve[2]
Il suffit de montrer que pour tout voisinage U de x, il existe un voisinage fermé F contenu dans U et dans K.
La frontière ∂(UK) est fermée et incluse dans K ; elle est donc compacte. Par séparation, pour chacun de ses points y, il existe un voisinage ouvert Vy de y et un voisinage Wy contenu dans UK de x disjoints. Or, la famille des ouverts (Vy)y∈∂(UK) recouvre ∂(UK) ; il existe donc un sous-recouvrement fini Vy1, …, Vyn et Wy1 ∩ … ∩ Wyn est un voisinage de x ne rencontrant aucun des Vyi : son adhérence est incluse dans UK.
Seconde preuve
Dans K, qui est compact donc régulier (et même normal)[3], les voisinages compacts de x forment une base de voisinages. Ils forment donc aussi une base de voisinages de x dans X, puisque K est un tel voisinage.

Propriétés

Tout espace compact est localement compact.

Dans un espace localement compact, tout compact est inclus dans un ouvert relativement compact[4].

Comme (par définition) toute « propriété topologique », la compacité locale est conservée par homéomorphismes.

Elle est aussi conservée par produits finis.

Un sous-espace Y d'un espace localement compact X est lui-même localement compact si et seulement s'il peut s'écrire comme la différence de deux fermés de X : Y = F1\F2.

En particulier, tous les ouverts et les fermés d'un espace localement compact sont localement compacts.

Tout espace localement compact est complètement régulier, mais pas nécessairement normal (la planche de Tychonoff épointée est un contre-exemple).

Tout espace localement compact est un espace de Baire, c'est-à-dire que la conclusion du théorème de Baire s'y applique : une union dénombrable de parties nulle part denses (c'est-à-dire dont l'intérieur de l'adhérence est vide) est d'intérieur vide.

Les quotients d'espaces localement compacts sont les k-espaces.

Un espace localement compact est σ-compact :

Démonstration

Il est clair que tout espace hémicompact est σ-compact et tout espace σ-compact est de Lindelöf.

Pour les réciproques, considérons un espace X {\displaystyle X} localement compact.

  • Supposons que X {\displaystyle X} est σ-compact, donc recouvert par une suite ( K n ) n N {\displaystyle (K_{n})_{n\in \mathbb {N} }} de compacts. Chaque K n {\displaystyle K_{n}} est inclus dans un ouvert relativement compact U n {\displaystyle U_{n}} . On pose alors, pour tout n N {\displaystyle n\in \mathbb {N} } , V n = k = 0 n U k {\displaystyle V_{n}=\cup _{k=0}^{n}U_{k}} . Les ouverts V n {\displaystyle V_{n}} recouvrent X {\displaystyle X} et forment une suite croissante donc tout compact de X {\displaystyle X} est inclus dans l'un d'entre eux, et a fortiori dans son adhérence. Comme de plus les V n ¯ {\displaystyle {\overline {V_{n}}}} sont compacts, X {\displaystyle X} est hémicompact.
  • Supposons maintenant que X {\displaystyle X} est de Lindelöf. Tout point x X {\displaystyle x\in X} appartient à un ouvert relativement compact U x {\displaystyle U_{x}} . On peut alors extraire de ( U x ) x X {\displaystyle (U_{x})_{x\in X}} un sous-recouvrement dénombrable. Les adhérences des éléments de ce recouvrement sont compacts et recouvrent X {\displaystyle X} , qui est donc σ-compact.

Tout espace hémicompact à bases dénombrables de voisinages est localement compact[5],[6].

Exemples

  • L'espace ℝ des réels est le prototype d'espace localement compact mais non compact.
  • Le produit fini ℝn, pour tout entier n > 0, hérite de ces deux propriétés.
  • Tout espace homéomorphe à un tel ℝn également : par exemple m (pour tout entier m > 0), l'intervalle ]0, 1[ ou le disque ouvert {z ∈ ℂ | |z| < 1} du plan complexe.
  • Plus généralement, toute variété topologique (même sans base dénombrable) est localement compacte.
  • Tout espace discret est localement compact.
  • En revanche, les espaces suivants ne sont pas localement compacts :
    • le produit infini ℕ ;
    • le sous-espace de ℝ (puisqu'une suite bornée de rationnels n'a pas toujours de valeur d'adhérence rationnelle) ;
    • les espaces vectoriels topologiques séparés de dimension infinie (rencontrés en analyse fonctionnelle) ;
    • le « demi-plan ouvert plus un point » : {(0, 0)} ∪ {(x, y) ∈ ℝ2 | x > 0} c'est-à-dire les points du plan d'abscisse strictement positive plus l'origine. Dans ce cas, c'est justement l'origine qui pose un problème, car elle n'a aucun voisinage compact.

Notes et références

  1. N. Bourbaki, Éléments de mathématique, livre III : Topologie générale [détail des éditions], TG I.64, corollaire.
  2. [PDF] Notes de cours de Philippe Caldero (Lyon-1) [lire en ligne].
  3. § « Compacts et fermés » de l'article sur la compacité.
  4. (en) Steven A. Gaal (en), Point Set Topology, Academic Press, , 316 p. (ISBN 978-0-08-087328-2, lire en ligne), p. 150, Lemma 1.
  5. a et b (en) Lawrence Narici et Edward Beckenstein, Topological Vector Spaces, CRC Press, , 2e éd. (lire en ligne), p. 151.
  6. a et b (en) K. D. Joshi, Introduction to General Topology, New Age International, (lire en ligne), p. 399.
  7. (en) Charalambos D. Aliprantis et Kim C. Border, Infinite Dimensional Analysis: A Hitchhiker's Guide, Springer, , 3e éd. (1re éd. 1999) (lire en ligne), p. 58.
  8. (en) Carlos S. Kubrusly, Essentials of Measure Theory, Springer, (lire en ligne), p. 218.

Articles connexes

  • icône décorative Portail des mathématiques