Théorème de Stolz-Cesàro

En mathématiques, le théorème de Stolz-Cesàro établit une condition suffisante d'existence de limite d'une suite. Un cas particulier de cette version discrète de la règle de l'Hôpital[1] est le lemme de Cesàro.

Son nom vient des mathématiciens Otto Stolz[2] et Ernesto Cesàro[3].

Énoncé

Soient (un) et (vn) deux suites réelles, se trouvant dans l'un des deux cas suivants[4],[5] :

  • (cas 0/0) : (vn) strictement décroissante, lim n u n = lim n v n = 0 {\displaystyle \lim _{n\to \infty }u_{n}=\lim _{n\to \infty }v_{n}=0} ;
  • (cas ∙/∞)[6] : (vn) strictement croissante et lim n v n = + {\displaystyle \lim _{n\to \infty }v_{n}=+\infty } .

S i lim n u n + 1 u n v n + 1 v n = R ¯ a l o r s u n v n . {\displaystyle {\rm {Si}}\quad \lim _{n\to \infty }{\frac {u_{n+1}-u_{n}}{v_{n+1}-v_{n}}}=\ell \in {\overline {\mathbb {R} }}\quad {\rm {alors}}\quad {\frac {u_{n}}{v_{n}}}\to \ell .}

L'énoncé reste vrai si un et sont des nombres complexes ou, plus généralement, des éléments d'un espace vectoriel normé[7].

Démonstration

On ne s'intéressera qu'au deuxième cas avec fini. Soit ε > 0. Par hypothèse, on sait qu'il existe N suffisamment grand tel que :

n N ,   ε 2 < u n + 1 u n v n + 1 v n < + ε 2 e t v N > 0. {\displaystyle \forall n\geqslant N,\ \ell -{\frac {\varepsilon }{2}}<{\frac {u_{n+1}-u_{n}}{v_{n+1}-v_{n}}}<\ell +{\frac {\varepsilon }{2}}\quad \mathrm {et} \quad v_{N}>0.}

Donc :

M > N , ( ε 2 ) ( v N + 1 v N ) < u N + 1 u N < ( + ε 2 ) ( v N + 1 v N ) ( ε 2 ) ( v N + 2 v N + 1 ) < u N + 2 u N + 1 < ( + ε 2 ) ( v N + 2 v N + 1 ) ( ε 2 ) ( v M v M 1 ) < u M u M 1 < ( + ε 2 ) ( v M v M 1 ) {\displaystyle \forall M>N,{\begin{aligned}\left(\ell -{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{N+1}-v_{N})&<&u_{N+1}-u_{N}&<&\left(\ell +{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{N+1}-v_{N})\\\left(\ell -{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{N+2}-v_{N+1})&<&u_{N+2}-u_{N+1}&<&\left(\ell +{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{N+2}-v_{N+1})\\&\vdots &&\vdots &\\\left(\ell -{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{M}-v_{M-1})&<&u_{M}-u_{M-1}&<&\left(\ell +{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{M}-v_{M-1})\\\end{aligned}}}

Soit, par somme :

M > N , ( ε 2 ) ( v M v N ) < u M u N < ( + ε 2 ) ( v M v N ) {\displaystyle \forall M>N,\left(\ell -{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{M}-v_{N})<u_{M}-u_{N}<\left(\ell +{\frac {\varepsilon }{2}}\right)(v_{M}-v_{N})}

En divisant par vM, qui est positif par hypothèse, et en réarrangeant, on a :

M > N , ε 2 + u N ( ε 2 ) v N v M < u M v M < + ε 2 + u N ( + ε 2 ) v N v M . {\displaystyle \forall M>N,\ell -{\frac {\varepsilon }{2}}+{\frac {u_{N}-(\ell -{\tfrac {\varepsilon }{2}})v_{N}}{v_{M}}}<{\frac {u_{M}}{v_{M}}}<\ell +{\frac {\varepsilon }{2}}+{\frac {u_{N}-(\ell +{\tfrac {\varepsilon }{2}})v_{N}}{v_{M}}}.}

Par limite de la suite v, on peut trouver M suffisamment grand tel que :

M > N , ε 2 ε 2 < u M v M < + ε 2 + ε 2 . {\displaystyle \forall M>N,\ell -{\frac {\varepsilon }{2}}-{\frac {\varepsilon }{2}}<{\frac {u_{M}}{v_{M}}}<\ell +{\frac {\varepsilon }{2}}+{\frac {\varepsilon }{2}}.}

Ce qui permet de conclure.

Reformulation

En posant an = un – un–1 et bn = vn – vn–1 dans le cas ∙/∞ et an = un – un+1 et bn = vn – vn+1 dans le cas 0/0, l'énoncé devient[8] :

Soient (an) et (bn) deux suites réelles, avec bn > 0, et telles que a n b n R ¯ . {\displaystyle {\frac {a_{n}}{b_{n}}}\to \ell \in {\overline {\mathbb {R} }}.}

  • (Cas 0/0) : si les séries an et bn convergent alors k = n a k k = n b k . {\displaystyle {\frac {\sum _{k=n}^{\infty }a_{k}}{\sum _{k=n}^{\infty }b_{k}}}\to \ell .}
  • (Cas ∙/∞) : si bn diverge alors k n a k k n b k . {\displaystyle {\frac {\sum _{k\leq n}a_{k}}{\sum _{k\leq n}b_{k}}}\to \ell .}

Exemples

Voici deux applications du cas ∙/∞.

  • Le lemme de Cesàro s'obtient en posant bn = 1.
  • Soit α > 0. Sachant que lim n ( n + 1 ) α n α n α 1 = lim n ( 1 + 1 / n ) α 1 1 / n = ( d d x x α ) x = 1 = α , {\displaystyle \lim _{n\to \infty }{\frac {(n+1)^{\alpha }-n^{\alpha }}{n^{\alpha -1}}}=\lim _{n\to \infty }{\frac {(1+1/n)^{\alpha }-1}{1/n}}=\left({\frac {\rm {d}}{{\rm {d}}x}}x^{\alpha }\right)_{x=1}=\alpha ,} en posant a n = ( n + 1 ) α 1  et  b n = ( n + 1 ) α n α {\displaystyle a_{n}=(n+1)^{\alpha -1}{\text{ et }}b_{n}=(n+1)^{\alpha }-n^{\alpha }} on trouve[9] :
    lim n 1 α 1 + 2 α 1 + 3 α 1 + + n α 1 n α = 1 α . {\displaystyle \lim _{n\to \infty }{\frac {1^{\alpha -1}+2^{\alpha -1}+3^{\alpha -1}+\ldots +n^{\alpha -1}}{n^{\alpha }}}={\frac {1}{\alpha }}.}
    (Pour α entier, il s'agit du coefficient dominant du polynôme de la formule de Faulhaber.)

Généralisations du cas ∙/∞

  • Soient (an) et (bn) deux suites réelles, avec bn > 0 et bn = +∞. Alors, les limites inférieure et supérieure de (an/bn) encadrent celles de la suite des quotients de sommes partielles des deux séries[10] :
    lim inf n a n b n lim inf n k n a k k n b k lim sup n k n a k k n b k lim sup n a n b n . {\displaystyle \liminf _{n\to \infty }{\frac {a_{n}}{b_{n}}}\leq \liminf _{n\to \infty }{\frac {\sum _{k\leq n}a_{k}}{\sum _{k\leq n}b_{k}}}\leq \limsup _{n\to \infty }{\frac {\sum _{k\leq n}a_{k}}{\sum _{k\leq n}b_{k}}}\leq \limsup _{n\to \infty }{\frac {a_{n}}{b_{n}}}.}
  • Soient pn, k (n, k ∈ ℕ) des réels positifs tels que
    n N k p n , k = 1 {\displaystyle \forall n\in \mathbb {N} \quad \sum _{k}p_{n,k}=1}
    et st la transformation linéaire sur les suites bornées définie par
    t n = k = 0 p n , k s k . {\displaystyle t_{n}=\sum _{k=0}^{\infty }p_{n,k}s_{k}.}
    Une condition nécessaire et suffisante pour que cette transformation soit régulière, c'est-à-dire pour qu'elle vérifie
    lim n s n = lim n t n = ( ) {\displaystyle \lim _{n\to \infty }s_{n}=\ell \Rightarrow \lim _{n\to \infty }t_{n}=\ell \quad (*)}
    est[11] :
    k N lim n p n , k = 0. {\displaystyle \forall k\in \mathbb {N} \quad \lim _{n\to \infty }p_{n,k}=0.}
    Dans le cas triangulaire inférieur, c'est-à-dire lorsque pn, k = 0 dès que k > n, la transformation s'étend aux suites non bornées, et si la condition de régularité est satisfaite alors l'implication (✻) est encore vraie pour ℓ = ±∞.
Démonstration

Cette condition est nécessaire car pour chaque k, la suite (pn, k)n est la transformée de la suite k, n)n.

Supposons que la condition est vérifiée et que sn, et montrons que tn. On se ramène comme dans la preuve précédente au cas = 0.

Soit ε > 0. Il existe alors N1 tel que k N 1 | s k | ε , {\displaystyle \forall k\geq N_{1}\quad |s_{k}|\leq \varepsilon ,} puis N2 tel que pour chaque k < N1, n N 2 p n , k ε N 1 | s k | . {\displaystyle \forall n\geq N_{2}\quad p_{n,k}\leq {\frac {\varepsilon }{N_{1}|s_{k}|}}.} Alors, pour tout nN2, | t n | k p n , k | s k | k < N 1 p n , k | s k | + k N 1 p n , k | s k | k < N 1 ε N 1 + k N 1 p n , k ε ε + k ε p n , k = 2 ε , {\displaystyle {\begin{aligned}|t_{n}|&\leq \sum _{k}p_{n,k}|s_{k}|\\&\leq \sum _{k<N_{1}}p_{n,k}|s_{k}|+\sum _{k\geq N_{1}}p_{n,k}|s_{k}|\\&\leq \sum _{k<N_{1}}{\frac {\varepsilon }{N_{1}}}+\sum _{k\geq N_{1}}p_{n,k}\varepsilon \\&\leq \varepsilon +\sum _{k}\varepsilon p_{n,k}\\&=2\varepsilon ,\end{aligned}}} ce qui prouve que tn → 0.

Le cas ∙/∞ s'en déduit, en posant[12]
p n , k = { b k j = 0 n b j si  k n , 0 si  k > n . {\displaystyle p_{n,k}={\begin{cases}{\frac {b_{k}}{\sum _{j=0}^{n}b_{j}}}&{\text{si }}k\leq n,\\0&{\text{si }}k>n.\end{cases}}}

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Stolz–Cesàro theorem » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Gabriel Nagy, « The Stolz-Cesaro Theorem », , donne d'ailleurs une démonstration séquentielle de la seconde généralisation de la règle de l'Hôpital, à l'aide du cas ∙/∞ du théorème de Stolz-Cesàro.
  2. (de) O. Stolz, Vorlesungen über allgemeine Arithmetik : nach den neueren Ansichten, Leipzig, Teubners, (lire en ligne), p. 173-175.
  3. E. Cesaro, « Sur la convergence des séries », Nouvelles annales de mathématiques, 3e série, vol. 7,‎ , p. 49-59 (lire en ligne).
  4. (en) Ovidiu Furdui, Limits, Series, and Fractional Part Integrals, Springer, (lire en ligne), p. 263-266.
  5. (en) A. D. R. Choudary et Constantin P. Niculescu, Real Analysis on Intervals, Springer, (lire en ligne), p. 59-61.
  6. (en) Marian Mureşan, A Concrete Approach to Classical Analysis, Springer, (ISBN 978-0-387-78932-3, lire en ligne), p. 85.
  7. (en) Constantin Costara et Dumitru Popa, Exercises in Functional Analysis, Springer, (lire en ligne), p. 348, mentionnent le cas ∙/∞ pour un espace vectoriel normé.
  8. Pour une démonstration du théorème sous cette forme, voir par exemple le chapitre « Théorème de Stolz-Cesàro » de la leçon sur les séries sur Wikiversité.
  9. (en) George Pólya et Gábor Szegő, Problems and Theorems in Analysis, vol. 1, (DOI 10.1007/978-3-642-61983-0_2) (réimpr. de l'éd. de 1978, révisée et traduite de (de), Aufgaben und Lehrsätze aus der Analysis, Springer, Berlin, 1925), Pt. I, ex. 71, p. 17 et 192.
  10. Pour une démonstration, voir par exemple Nagy 2007 ou le chapitre « Théorème de Stolz-Cesàro » de la leçon sur les séries sur Wikiversité.
  11. Pólya et Szegő 1998, Pt I, ex. 80 p. 19 et 194. L'exercice préliminaire 66, p. 16 et 191, traite du cas triangulaire. Dans la partie III, l'exercice 44, p. 111 et 307-308, concerne un cas triangulaire plus général, où les pn, k ne sont plus des réels positifs mais des complexes. Pour le cas complexe non triangulaire, voir (de) J. Schur, « Über lineare Transformationen in der Theorie der unendlichen Reihen », J. reine angew. Math., vol. 151,‎ , p. 79-111 (lire en ligne) et (pl) Hugo Steinhaus, « Kilka słów o uogólnieniu pojęcia granicy », Prace Matematyczno-Fizyczne, vol. 22, no 1,‎ , p. 121-134 (lire en ligne).
  12. Pólya et Szegő 1998, Pt. I, ex. 70, p. 16-17 et 192.

Voir aussi

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